Des nouvelles de la chévre Corse

Publié le par ma vie de chien



Présente sur les sentiers de l'île de Beauté depuis des millénaires, la chèvre corse est touchée par une épidémie qui la décime et met en péril la survie de l'ensemble de la filière professionnelle.

Non transmissible à l'homme mais incurable, cette épidémie, la paratuberculose, se transmet par voie orale lorsque son agent, une bactérie qui détruit l'intestin, est ingéré par la chèvre, à partir du lait contaminé de sa mère, des aliments, des excréments ou d'eau polluée.

Entre 8% et 10% des chèvres corses sont touchées et, sur les 129 cheptels testés dans les deux départements, 87, soit 67%, comptent au moins un animal porteur de la bactérie, selon une étude menée en 2008 par Myriam Chaudron, vétérinaire à la fédération régionale des groupes de défense sanitaire.

Sur les hauteurs de Sagone, au nord d'Ajaccio, au bout d'une longue piste ravinée, Clément Paoli dispose de 400 hectares de maquis pour faire paître son troupeau de 120 têtes: "Je dois à mon isolement la bonne santé de mes bêtes", estime-t-il.

Mais, dit-il, sur la côte, plus au nord, un autre berger a moins de chance: "il est aux prises depuis des années avec la maladie. Tous les ans, il tue 15 ou 20 bêtes. Un véritable crève-coeur, d'autant qu'en apparence, ses chèvres sont en parfaite santé".

"Cette maladie n'affecte pas les animaux de moins de deux ans et peut incuber pendant cinq ou six ans avant de se déclarer. Quand elle se manifeste, la chèvre n'assimile plus les protéines, dépérit, ne produit plus de lait et meurt en quelques jours", explique Bérengère Tarent, vétérinaire à Sagone.

Eleveur à Albertacce, en Haute-Corse, Sébastien Costa ne décolère pas. Il y a quelques jours, il a provoqué un électrochoc en Corse en accrochant le cadavre d'une de ses chèvres à un panneau indicateur, au beau milieu d'un rond-point de Corte.

"La paratuberculose fait des ravages, la profession crève, mais comme cette maladie est sans danger pour l'homme, tout le monde s'en fout, nous ne sommes même pas indemnisés pour la perte de nos bêtes", s'emporte-t-il.

"Nos chèvres ne servent pourtant pas qu'à nous faire vivre ou à faire joli dans le paysage, en mangeant les repousses de maquis, elles le nettoient et contribuent à la prévention des incendies", soulignent les deux éleveurs.

Pour sauver les 30.000 Capra Corsa qui subsistent en Corse et les emplois --plus de 400 familles en vivent--, les éleveurs réclament un plan de sauvetage, le versement d'une indemnité compensatoire de 450 euros et --tout en sachant que ce n'est pas le remède-miracle-- la mise à disposition du vaccin existant qui permettrait de reconstituer les troupeaux.

Toujours commercialisé en Espagne, au Portugal, en Grèce, ce vaccin a été retiré de la vente en France il y a quelques années, en raison du montant de la taxe réclamée au laboratoire pour sa mise sur le marché, selon Sébastien Costa.

"Entre la paratuberculose, la pression immobilière qui nous chasse, les voisins qui ne supportent plus les cloches de nos bêtes et se plaignent qu'elles mangent les fleurs de leurs jardins, nous sommes mal partis", constate-t-il.

"Si rien n'est fait, dans dix ans, il n'y aura plus en Corse ni chèvres, ni chevriers. On va peut-être mourir mais pas en silence. Si les pouvoirs publics ne bougent pas, des chèvres mortes il y en aura sur tous les panneaux indicateurs de l'île", menace-t-il.

 

 

 

Publié dans NATURE

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